Malgré son agenda chargé, Frédéric van Roekeghem ne s'est pas dérobé. Pendant près de deux heures, vendredi après-midi, le directeur général de l'assurance-maladie est venu se frotter à une cinquantaine de cadres locaux de la Fédération des médecins de France (FMF) réunis à Massy (Essonne) pour un séminaire de formation conventionnelle.
Deux heures au cours desquelles, dans une ambiance souvent électrique, le patron de la Sécu s'est employé à répondre aux questions (et aux injonctions! ) des médecins de la FMF passablement irrités par les « méthodes » de l'assurance-maladie qui « pourrissent la vie des médecins », selon l'expression d'un praticien en colère.
Le directeur n'a pas été ménagé. Exemples concrets à l'appui, avec des documents projetés sur écran, les principaux dirigeants de la FMF ont mis en cause, sur une demi-douzaine de sujets, le « harcèlement » de certaines caisses primaires, les « dérives » de directeurs trop zélés et, finalement, la « gestion par le stress » du directeur de la Sécu, selon la formule du Dr Jean-Paul Hamon, chef de file du syndicat.
L'épine des IJ
Les procédures et poursuites qui « fleurissent France entière » au sujet des réductions de prescriptions d'IJ exaspèrent les élus de la FMF. Selon plusieurs témoignages, certaines caisses balaient la notion d'« activité comparable » pour engager des poursuites sans analyser les profils de patientèle et sans respecter les avis consultatifs des commissions paritaires. Le directeur a reconnu que les caisses avaient des « progrès à faire pour objectiver » les méthodes de contrôle des arrêts de travail, analyser les profils de patients, et recourir aux outils existants (« fiches repères », référentiels...). Il a promis de réexaminer ce sujet très sensible dans le cadre conventionnel et a promis des « évolutions ».
Pour autant,a-t-il souligné, c'est la loi qui permet à l'assurance-maladie la mise sous entente préalable d'un médecin (ou de lui proposer des objectifs de réduction de ses prescriptions). Et la loi sera appliquée. Quelque « 200 médecins maximum » seraient concernés, a nuancé le directeur qui n'a pas répondu favorablement à la requête de la FMF d'arrêter les procédures en cours...
Bugs et télé services
Autre sujet de conflit : les décisions « totalement inopportunes » de certaines CPAM trop pressées ou trop zélées. Ainsi la caisse de Nice a-t-elle adressé aux médecins un courrier annonçant la diminution de la livraison d'imprimés de prescriptions d'arrêt de travail afin d'organiser une télétransmission à marche forcée de ces arrêts de travail. Chahut indescriptible dans la salle et exclamations de médecins (« Votre matos ne marche pas ! », « on utilisera vos télé services quand ça fonctionnera »...), certains allant jusqu'à envisager des actions commando.
Nullement ébranlé, le directeur a ironisé sur la « créativité » excessive du directeur de la caisse de Nice et son côté « un peu rapide ». Il a confirmé que l'assurance-maladie misait sur le déploiement des télé services (« certains marchent très bien comme le formulaire médecin traitant ») et a égratigné au passage les éditeurs de logiciels « qui ne vont pas très vite » pour intégrer ces services dans les logiciels métier.
Durcissement sur les génériques ?
La procédure tiers payant contre générique met également le feu aux poudres. Les médecins de la FMF dénoncent la pression croissante des caisses primaires sur la profession pour que la mention « non substituable » soit inscrite de façon manuscrite sur l'ordonnance et sur chaque ligne concernée (alors que jusqu'à présent l'assurance-maladie faisait preuve de tolérance sur ce dossier).
Accusé de dresser « les médecins contre les pharmaciens » (eux aussi sous pression comme en témoigne le déconventionnement d'une pharmacienne), Frédéric van Roekeghem s'est engagé à poursuivre une large concertation professionnelle sur la question des génériques, se défendant de vouloir durcir sa position. « Sur l'usage du NS, nous avons toujours été mesurés », a-t-il précisé tout en défendant sans barguigner les génériques « qui ont la même efficacité thérapeutique ».
En catimini
Beaucoup d'autres sujets de tension ont été débattus, le directeur ne se départissant jamais de son calme. Les cadres syndicaux ont dénoncé divers exemples « écoeurants » de réclamations d'indus (pour utilisation de la carte CPS par le remplaçant par exemple) ou encore des sanctions locales décidées « à la tête du client » pour des contentieux de nomenclature. La FMF a enfin dénoncé le lancement « sans concertation » de certains programmes pilotés par la CNAM comme le controversé « Prado », qui favorise le suivi d'une mère et de son enfant par une sage-femme libérale dans le cadre d'un retour plus précoce au domicile après accouchement.
à€ la sortie de cette réunion tonique dominait le sentiment d'un dialogue de sourds. à€ quelques jours de la reprise des négociations conventionnelles (sur les dépassements), le Dr Hamon, patron de ce syndicat (tardivement) signataire de la nouvelle convention, concluait pourtant les débats par une note positive lancée comme un appel au directeur de la CNAM. « On est furieux mais on voudrait bosser avec vous ».
"º CYRILLE DUPUIS
lequotidiendumedecin.fr 31/08/2012
Date de rédaction : 30 août 2012 10 h 46
Date de modification : 30 août 2012 22 h 46 min