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“A J-20, j’ai dit non au paiement à  la performance”

Il ne vous reste plus que 20 jours pour signifier à  la caisse d'assurance-maladie votre refus d'adhérer au P4P, le paiement à  la performance, introduit dans la nouvelle convention.

Après le 26 décembre, vous serez d'office engagés pour cinq ans

Un groupe de généralistes bretons s'insurge contre ces méthodes «occultes" et lance une pétition pour refuser ce nouveau mode de rémunération.

A l'initiative de cette pétition, Patricia Coroller, installée depuis plus de 20 ans dans son cabinet de Quimper et pour qui c'est encore un plaisir de se lever le matin pour aller travailler. En 2009, elle n'avait pas bénéficié du Capi (Contrat d'amélioration des pratiques individuelles), et cet hiver, elle n'adhérera pas non plus au paiement à  la performance sur objectifs de santé publique prévu dans la nouvelle convention médicale. Par idéologie surtout, mais aussi parce qu'elle conteste les méthodes employées par la Caisse d'assurance-maladie. «Je suis sûre qu'il y a très peu de médecins qui sont au courant que la date-butoir approche, ce n'était pas clair et j'ai l'impression que l'information a été volontairement occultée."

La crainte du déconventionnement

D'ici le 26 décembre prochain, les médecins qui ne souhaitent pas disposer de ce nouveau mode de rémunération doivent en effet le faire savoir par écrit - lettre recommandée avec AR - à  la caisse d'assurance-maladie, faute de quoi ils y adhéreront par défaut pour cinq ans. «Je trouve que ce n'est pas une démarche évidente pour un médecin, c'est un obstacle supplémentaire et il y a toujours la crainte d'être mal compris et d'être finalement déconventionné, explique-t-elle. Moi pour être sûre, j'ai envoyé une copie au Conseil de l'ordre des médecins. Mais beaucoup de mes confrères, lassés, m'ont déjà  dit qu'ils ne feraient rien parce qu'ils n'avaient plus envie de se battre. "

En faisant ce choix, le Dr Coroller reste libre de revenir au paiement à  la performance plus tard, même s'il est peu probable qu'elle fasse marche-arrière. Car si le médecin qui y adhère par défaut s'engage bel et bien pour cinq ans, celui qui signifie son refus avant la date-butoir, lui, peut changer d'avis à  tout moment. Une précision qui n'est pas forcément toujours mise en avant dans les différents communiqués de la Caisse. Patricia Coroller a appris qu'il ne lui restait plus que quelques jours pour se décider lors d'une réunion d'information sur la convention organisée localement avec la CPAM 29 et les 3 syndicats signataires (CSMF, SML et MG France - la FMF n'avait à  ce moment-là  pas encore signé).

"De toute façon, vous ne risquez rien, à  part gagner de l'argent"

Quand elle a fait part de ses doutes sur le bien-fondé de ce nouveau mode de rémunération, on lui a simplement répondu : «de toute façon, vous ne risquez rien, à  part gagner de l'argent. Et si vous ne respectez les objectifs, il n'y aura pas de sanctions." La généraliste finistérienne n'a pas été convaincue par cet argument. «Pour l'instant, il n'y a pas de sanctions, mais on signe un contrat en blanc, car il y a encore des avenants en attente que nous ne connaissons pas."

Par ailleurs, elle craint que cette démarche dénature son rapport avec les patients. « On risque d'avoir toujours en tête les objectifs à  remplir et passer peut-être à  côté de quelque chose. Si j'avais adhéré à  ce dispositif j'aurais perdu de l'estime pour moi-même, je me serais sentie rabaissée, car ce n'est pas du tout ma vision de la médecine générale et je ne pense pas que c'est comme cela qu'on incitera les jeunes médecins à  s'installer. En refusant le P4P, je me bats pour moi, pour continuer à  avoir un exercice sain, mais aussi, en tant que maître de stage, pour les générations à  venir."

Elle estime en effet que ce dispositif ne lui permettra pas d'améliorer le suivi de ses patients et surtout que la CNAM joue un rôle trop ambigu puisqu'elle est à  la fois «juge et partie".

L'Assurance-maladie, au contraire, se targue d'avoir mis en place un nouveau partenariat «en faveur de la qualité des soins". « La convention médicale réforme profondément le mode de rémunération des médecins libéraux en généralisant la rémunération sur objectifs de santé publique. Ce nouveau dispositif tend à  développer la prévention, à  améliorer la prise en charge des maladies chroniques et à  favoriser l'efficience et l'organisation du système de soins." Voilà  ce qu'on pouvait lire dans le dossier de presse de présentation de la convention.

Et les caisses s'appuient ainsi sur l'expérience du CAPI, signé par 16 000 médecins, «soit plus d'un médecin éligible sur trois." «Les résultats observés en juillet 2010 montrent que les praticiens engagés dans le CAPI ont davantage progressé dans la prise en charge de leurs patients, en particulier dans le domaine de la prévention et du suivi des maladies chroniques."

«Mais ce qu'on ne dit pas, rappelle le Dr Coroller, c'est que 30% des médecins bénéficiant du CAPI n'ont pas perçus de rémunération. On ne parle pas non plus de tous les médecins qui sont sortis du dispositif." Elle s'interroge du coup sur l'efficience réelle d'un tel dispositif et aurait préféré une rémunération pour du temps de secrétariat, «bien plus utile", selon elle.

Une thèse présentée à  l'université de médecine de Rennes en septembre dernier, et rédigée par Romain Nifenecker, s'est penchée sur le cas des praticiens bretons qui avaient refusé d'adhérer au CAPI. Parmi les raisons évoquées, il y a l'atteinte aux libertés du médecin libéral, la rémunération insuffisante, l'ingérence des caisses d'assurance-maladie et le manque d'efficience du système, certains évoquant même une atteinte à  la relation médecins-patients sur les plans éthique et déontologique : «Je ne voudrais pas que les patients se disent oui mais elle est payée plus parce qu'elle prescrit ce que demande la caisse" ou encore «Est-ce qu'il faut une carotte pour suivre les recommandations ?".

Il semble que la réponse soit positive pour Frédéric Van Roekeghem, le directeur de la Cnam. Sûr de son coup, il avait déclaré sur Egora fin septembre : «Je ne vois pas ce qui conduirait les médecins à  ne pas adhérer au système." Même si pour l'instant, la pétition n'a été signée que par une trentaine de personnes, un vent de révolte est bien en train de se lever.

EGORA: CONVENTION MÉDICALE par Concepcion Alvarez le 06-12-2011



      Date de rédaction : 11 décembre 2011 5 h 03

      Date de modification : 11 décembre 2011 17 h 03 min

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