Chez des enfants atteints de rhinopharyngite à répétition, la tentation de limiter les récidives par une adénoïdectomie est réelle. D'autant qu'il n'existe pas de consensus sur ce point. Un travail néerlandais montre l'absence d'intérêt de l'intervention dans cette indication.
L'ÉTUDE menée aux Pays-Bas sur l'intérêt de l'adénoïdectomie chez les enfants atteints de rhino-pharyngites récidivantes comble un manque. Comme le confirme le Dr Martine François (ORL, hôpital pédiatrique Robert Debré, Paris) « les études précédentes se sont intéressées à l'effet de l'intervention sur les otites moyennes aiguà«s et séreuses, mais rarement à son intérêt sur les rhino-pharyngites ». Non seulement l'équipe de A.G.M. Schilder (Utrecht) apporte sa pierre à l'édifice, mais son étude, qualifiée de sérieuse par l'ORL parisienne, permet de conclure à l'absence d'intérêt du geste chirurgical, avec un suivi de deux ans.
L'intervention immédiate
Entre avril 2007 et octobre 2010, dans 11 hôpitaux, 111 enfants ont été enrôlés. à‚gés de 1 à 6 ans ils ont été recrutés en raison de rhinopharyngites à répétition justifiant une adénoïdectomie. Ils ont été séparés en deux groupes, après tirage au sort, soit l'intervention immédiate avec paracentèse ou non dans les 6 semaines, soit surveillance clinique attentive.
L'objectif principal était le nombre de rhinopharyngites par personne-année. Il s'agissait de prendre en compte la survenue de deux ou plus des événements suivants : fièvre d'au moins 38 °C, obstruction nasale, respiration buccale, écoulement nasal, mal de gorge ou toux. L'objectif secondaire était le nombre de jours de rhinopharyngite par personne-année, l'incidence des infections modérées ou sévères, des douleurs auriculaires avec fièvre, les jours de fièvre et ceux d'absence scolaire ou de surveillance. Était considérée comme modérée une rhinopharyngite apyrétique de moins de 10 jours. Elle était jugée sévère au-delà de 10 jours, en cas de fièvre, ou d'otalgie.
Aucune différence significative
Au cours des 24 mois de suivi, en moyenne, parmi les enfants opérés sont survenus 7,91 épisodes de rhinopharyngite par personne-année et 7,84 chez ceux surveillés attentivement. Aucune différence significative n'a été mise en évidence sur le nombre de jours d'infection, d'otalgie, de fièvre et même d'atteinte de la qualité de vie.
La prévalence des infections ORL a diminué avec le temps dans les deux groupes. « Ce qui était attendu, explique Martine François, de même le nombre de rhinopharyngites ne diminue pas plus vite après l'intervention. En effet, cette infection est la conséquence d'une rencontre entre l'enfant et un virus, or la chirurgie ne diminue ce nombre de rencontres ». En outre, si le diagnostic est porté chez un enfant sur deux jusqu'à l'âge de 4 ans, il chute à un sur dix chez les 5-9 ans. Les auteurs précisent que l'incidence réelle en est probablement sous-estimée, les parents n'ayant pas toujours recours au médecin dans ces situations.
Malgré le sérieux de ce travail le Dr Martine François y constate trois faiblesses. Le premier biais porte sur le sexe ratio. Dans le groupe ayant subi l'intervention elle constate 69 % de garçons, contre 51 % parmi ceux ayant bénéficié d'un suivi médical. « Il est connu que les garçons ont plus souvent d'infections rhinopharyngées que les filles et qu'ils subissent plus souvent une adénoïdectomie ». Ensuite, elle constate, parmi les enfants opérés une plus grande fréquence de tabagisme passif avec 35 % contre 23 %. Dernier point, « 57 % des enfants ayant subi l'intervention ont des antécédents familiaux contre 72 % des autres ». « Ces biais peuvent s'expliquer par la taille réduite de l'étude, 111 enfants dans 10 centres cela fait à peine 11 par centre. »
« De la lecture de cette étude il ressort que la rhinopharyngite n'est pas une bonne indication pour l'adénoïdectomie. En revanche, l'intervention demeure légitime dans : les otites moyennes aiguà«s, les otites séreuses et les ronflements avec gêne ou pauses respiratoires. Une pathologie dont la fréquence augmente. » Elle conclut qu'il « importe de ne pas prendre de risque chirugical, hémorragique notamment, si une intervention ne fait pas la preuve nette de son indication ».
"º Dr GUY BENZADON
Le Quotidien du Médecin 08/09/2011
Date de rédaction : 8 septembre 2011 9 h 14
Date de modification : 8 septembre 2011 9 h 14 min