le Quotidien du Médecin met en relief les principaux points du protocole d'accord paraphé ce jeudi par l'assurance-maladie et trois syndicats médicaux (la CSMF, le SML et MG-France).
Les organisations signataires vont maintenant porter ce texte devant leurs instances respectives afin de procéder, dès mardi prochain, à la signature de la nouvelle convention pour cinq ans. Si le texte ne prévoit pas d'augmentation du C, il généralise le paiement à la performance, revalorise plusieurs spécialités cliniques, pose le principe du secteur optionnel (renvoyé à un avenant en septembre), règle le volet conventionnel de l'ASV et mise sur les incitations pour combattre les déserts. Revue de détail.
Généralisation de la rémunération à la performance : l'ABC du P4P
Le projet de convention généralise le paiement à la performance (P4P), en fonction de l'atteinte d'objectifs de santé publique, d'organisation du cabinet et d'efficience. Ce P4P « à la française », pour l'instant réservé aux généralistes, a vocation à s'étendre aux autres spécialités. Reposant sur un barème de 1 300 points (7 euros par point), ce système entrera en vigueur au 1er janvier 2012.
Le paiement sur objectifs restera « LA » nouveauté de la convention 2011. Fort du spectaculaire succès du contrat d'amélioration des pratiques individuelles (CAPI, signé par 15 000 généralistes malgré l'hostilité des syndicats), le directeur de la CNAM a pu intégrer cette fois dans la convention, au prix de nombreux aménagements, un dispositif de rémunération à la performance inspiré du modèle britannique. Il entrera en vigueur en 2012 (les premières primes ne seront pas versées avant. 2013).
Le système de P4P « à la française » s'articulera autour d'un barème de 1 300 points. Pour chaque indicateur (29 en tout), le nombre de points fixés correspond à un taux de réalisation de 100 %. Chaque module d'indicateurs est indépendant des autres.
La valeur du point ayant été fixée à 7 euros, la prime annuelle maximale sera de 9 100 euros, un montant augmenté de moitié par rapport au CAPI actuel. Sur ces bases, un médecin généraliste ayant 800 patients et qui réaliserait 100 % de ses objectifs sur tous les indicateurs bénéficierait d'une rémunération à la performance équivalente à 11,40 euros par patient. Néanmoins, les indicateurs « ne seront pas tenus sans efforts », a prévenu le directeur de l'Assurance-maladie, évoquant plutôt une prime moyenne annuelle de l'ordre de 4 500 euros au regard de la pratique actuelle des médecins généralistes. La prime sera majorée pendant les trois premières années de l'installation.
L'organisation du cabinet représentera 400 points au total dont 150 pour la réalisation du volet de synthèse par le médecin traitant du dossier médical informatisé, 50 pour l'utilisation d'un logiciel d'aide à la prescription certifié, 50 pour la réservation de plages horaires sans rendez-vous.
Le suivi des pathologies chroniques (HTA, diabète) « pèsera » pour 250 points : on retrouve des indicateurs sur le nombre de dosages de l'HBA1C, les résultats de ce dosage, la surveillance ophtalmologique, la prévention cardio-vasculaire des patients à haut risque par une statine ou par l'aspirine à faible dose ou encore les résultats de la mesure de la pression artérielle.
Troisième « bloc », pour 250 autres points : la prévention et la santé publique. Les items retenus portent par exemple sur la vaccination antigrippale des 65 ans et plus, le dépistage du cancer du sein, la durée de la prescription des benzodiazépines, le dépistage du cancer du col de l'utérus ou l'usage pertinent de l'antibiothérapie.
Enfin, le volet « efficience » équivaut à 400 points. La CNAM y tenait pour « booster » les prescriptions dans le répertoire des génériques (antibiotique, IPP, statines, antihypertenseurs, antidépresseurs) et hiérarchiser certaines prescriptions (ratio IEC/IEC + sartans, par exemple).
Si ce P4P sera de fait réservé dans un premier temps aux médecins généralistes, les parties signataires se sont engagées à l'étendre par avenant à d'autres spécialités en commençant par les cardiologues, les endocrinologues, les gastro-entérologues et les pédiatres. La révolution est en marche.
"¢ La réforme de l'ASV sur les rails
Le projet de convention sauve l'allocation supplémentaire vieillesse (ASV). Réformée dès 2012 pour éviter la faillite, le régime reste financé aux deux tiers par l'assurance-maladie.
C'est écrit dès le préambule du protocole d'accord : « Le régime ASV, en garantissant aux médecins de secteur I, en contrepartie de leur engagement de respect des tarifs opposables, un complément de retraite substantiel, est un des socles fondamentaux de la convention médicale. à€ ce titre, les représentants syndicaux des médecins et l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie réaffirment leur attachement au régime ASV des médecins et à sa pérennisation. »
En pratique, les modalités conventionnelles du sauvetage - beaucoup d'autres points, du ressort réglementaires, restent à régler - sont détaillées à l'article 63 du protocole d'accord (un avenant devra les compléter). Il est en particulier acquis que la réforme du régime ASV interviendra dès cette année et entrera en vigueur en 2012.
Sur le fond, le projet de convention stipule noir sur blanc que l'allocation supplémentaire vieillesse va continuer à représenter « environ 40 % de la retraite totale d'un médecin » et que, légère nouveauté, la cotisation au régime sera intégralement « proportionnelle aux revenus ».
Très important pour les médecins, l'assurance-maladie s'engage, via le protocole d'accord, à prendre en charge - le texte dit même « à confirmer et renforcer » - les deux tiers des cotisations ASV des praticiens en secteur I, comme c'est le cas aujourd'hui (le sort du secteur II, qui finance lui-même l'intégralité de ses cotisations, n'est pas encore fixé).
La solidarité intergénérationnelle des médecins dans la réforme de l'ASV est affirmée : l'effort, indique le protocole, sera « partagé entre cotisants, anciens cotisants et retraités ». Les mesures désagréables à venir - vraisemblablement un doublement des cotisations assorti d'une petite baisse des prestations avec diminution générale de la valeur du point (- 10 %) et diminution du point acquis pour les retraités - se feront avec un lissage dans le temps.
D'ores et déjà , le projet de convention pense aux conjoints survivants en prévoyant que « la baisse des pensions ne s'appliquera pas aux pensions de réversion liquidées à la date d'entrée en vigueur de la réforme, pour la part des points inférieurs à la pension de réversion moyenne ».
"¢ Le secteur optionnel ressuscité mais renvoyé à un avenant (septembre)
Principale pierre d'achoppement des négociations, en raison des hésitations des complémentaires santé représentés au sein de l'UNOCAM, le secteur optionnel resurgit. en deux temps. Les paramètres financiers ont été posés sur les bases. du texte de 2009 (30 % d'actes en tarifs opposables et dépassements limités à 50 % pour le reste de l'activité) mais tout se jouera en septembre, à la faveur d'un avenant.
Les partenaires conventionnels ont inscrit les contours du secteur optionnel dans la convention médicale. Attendu depuis les accords « chirurgie » d'août 2004, soit bientôt 7 ans, ce nouveau secteur d'exercice à destination des chirurgiens, anesthésistes et gynécologues obstétriciens de secteur II ne pourra pas voir le jour avant la rentrée. Sa création est en effet renvoyée à un avenant qui devra intervenir avant le 30 septembre prochain.
Le projet prévoit que les médecins en secteur optionnel s'engageront à plafonner leurs dépassements dans une limite de 50 % au-dessus du tarif opposable et à réaliser un minimum de 30 % d'actes sans dépassements. En contrepartie, ils bénéficieront d'une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales.
Les complémentaires santé prendront en charge ces dépassements.
L'Union nationale des organismes d'assurance-maladie complémentaire (UNOCAM) a refusé de signer le protocole d'accord du 21 juillet mais s'est engagée dans une lettre d'intention à mettre en place le secteur optionnel avant le 30 septembre. L'UNOCAM demande des garanties que le gouvernement ne leur transférera pas de nouvelles dépenses dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). L'Assurance-maladie souhaite que les organismes complémentaires honorent leur signature du protocole d'accord du 15 octobre 2009. « Nous ne mettrons en place le secteur optionnel que si les complémentaires acceptent de le solvabiliser », a expliqué le directeur de l'assurance-maladie, Frédéric van Roekeghem.
"¢ La démographie à la mode incitative
Aucune mesure de régulation autoritaire de la répartition des médecins sur le territoire n'est prévue. En lieu et place : deux « options », assorties de bonus.
La première option, baptisée « démographie », est destinée aux médecins s'installant ou installés en zone déficitaire, en secteur I ou option de coordination, au sein d'un groupe pluridisciplinaire (quelle que soit sa forme juridique) ou d'un pole de santé (exercice regroupé mais forcément dans les mêmes mûrs).
La CNAM leur versera une aide à l'investissement pendant trois ans sous la forme d'un forfait annuel. Son montant sera de 5"‰000 euros par an pour les professionnels exerçant au sein d'un groupe et de 2"‰500 euros pour les professionnels membres d'un pôle de santé. Une aide à l'activité est aussi prévue qui représentera, pour le praticien exerçant au sein d'un groupe, 10 % des honoraires (C + V) dans la limite d'un plafond fixé à 20"‰000 euros et, dans un pôle de santé, 5 % de l'activité (C + V) dans la limite d'un plafond de 10"‰000 euros.
La seconde option dite « santé solidarité territoriale » vise cette fois à inciter les médecins libéraux installés en zone surdotée à prêter main-forte à leurs confrères des zones sous-dotées proches (en dégageant du temps médical sous forme de cabinet secondaire, vacations, exercice ponctuel au sein d'un groupe.). Pendant trois ans, le praticien s'engage à exercer au moins 28 jours par an dans une zone sous-dense. Dans ce cadre, il bénéficiera d'une rémunération complémentaire correspondant à 10 % de son activité (C + V) dans cette zone, dans la limite de 20"‰000 euros par an. Ses frais de déplacement seront également pris en charge par l'assurance-maladie.
Un bilan général de ces deux options sera réalisé au second semestre de 2013.
"¢ Spécialités cliniques : revalorisations ciblées
Des majorations spécifiques et de nouvelles consultations sont programmées pour redorer le blason des cliniciens, au bas de l'échelle des revenus de la profession.
Comme annoncé dans ses orientations, l'assurance-maladie va revaloriser les spécialités cliniques dans le cadre de la future convention. Celles-ci avaient fortement pâti de la mise en place du parcours de soins en 2005.
L'assurance-maladie va tout d'abord autoriser les médecins spécialistes à coter un CS de synthèse après un acte de consultant (C2) sans condition de seuil minimal d'activité clinique. Jusqu'à présent, seuls les médecins réalisant 90 % d'actes en CS étaient concernés. Cette disposition va nécessiter un aménagement de la nomenclature qui est attendu par les partenaires conventionnels avant le 1er janvier 2012.
Les spécialités cliniques seront revalorisées grâce à des majorations ou à la création de nouvelles consultations. Le protocole prévoit :
- l'instauration d'une consultation de dépistage du mélanome à 46 euros et la valorisation du forfait sécurité dermatologie (FSD),
- la possibilité ouverte aux médecins généralistes et aux gynécologues de coter les frottis en plus d'une consultation afin de favoriser le dépistage du cancer du col,
- la revalorisation de la lettre clé CNPSY portée à 37 euros - au lieu de 34,30 euros et la création d'une consultation de psychiatrie d'urgence, cotée 1,5 CNPSY, qui devrait intervenir dans les 48 heures à la demande du médecin traitant,
- pour les pédiatres, une consultation médicale de sortie de maternité, fixée à 38 euros pour le secteur I et à 35 euros pour le secteur II, ainsi qu'une majoration de 3 euros pour les consultations d'enfants de 2 à 6 ans,
- l'augmentation du forfait thermal de 64 euros à 70 euros,
- l'élargissement du périmètre d'application de la majoration MCE (10 euros) des endocrinologues à la prise en charge des patients diabétiques de type 1.
Le protocole prévoit par ailleurs la création d'une consultation spécifique pour la prise en charge à domicile des patients atteints de la maladie d'Alzheimer dénommée VL et d'un montant de 66 euros.
Un groupe de travail sera mis en place d'ici le 31 décembre 2011 pour définir une nouvelle méthodologie de tarification des actes au cours de l'année 2012 dans le cadre de la classification commune des actes médicaux (CCAM) techniques.
Le Quotidien du Médecin du 21 juillet 2011
Date de rédaction : 31 juillet 2011 9 h 34
Date de modification : 31 juillet 2011 9 h 34 min